2.2 Vipassana
- learngrowlove
- 30 janv. 2018
- 30 min de lecture
Ou l’accord du passé et la confiance de l’avenir.

Dans cet article, je rends hommage à des personnes que vous ne connaissez peut-être pas, je vais raconter des passages de ma vie et développer un propos qui peut-être va vous rendre sceptique. Prenez du temps pour écouter les musiques, les paroles, faites des pauses, buvez du thé et je ne sais quoi d’autre. C’est ma perspective de la vie, je l’aime et j’accepte que vous ne soyez pas d’accord. Bisous.
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Vipassana (ou Dhamma) est une méthode de méditation enseignée par feu Guru-ji S. N. Goenka sur des bases de bouddhisme et d’une tradition appelée Sayagyi U Ba Khin.
J’ai signé pour 10 jours le 7 janvier.
Il y a beaucoup de règles de base.
Mais j’ai gardé avec moi ma musique, du papier, un tapis de yoga/gym (pas d’activité sportive ni d’outils de divertissement autorisés). J’ai respecté la tenue vestimentaire, la consommation d’eau, le silence (presque). J’ai laissé mon téléphone et l’argent. C’est tout.
Nous avions une chambre chacune (mais le mot cellule était plutôt utilisé). Une dizaine de filles et une trentaine de garçons, séparés. De 4h30 du matin à 21h avec trois pauses repas à 6h30, à 11h et un goûter à 17h, nous méditions. J’avais faim tout le temps. Le Guru était en fait une voix dans les haut-parleurs et dans la salle de méditation où filles et garçons n’étaient séparés que par une allée, un ‘professeur’ assis devant le groupe de gars mettait en route les pistes audio et nous les filles avions une prof.
Mon esprit n’est pas celui qui se concentre sur une tâche, la termine et passe à l’autre tâche dans un ordre plus ou moins précis. Mon esprit est plutôt du genre à faire une chose 1, une chose 2, revenir sur 1, faire une chose 3, la terminer, et finir par 2. Au final, le résultat est le même, et passer sur chose 2, ça donne un poil de recul et peut-être d’autres opportunités quand il faut revenir sur la chose 1. Bref, ça n’est pas très important mais c’est comme ça que j’ai fonctionné.
Je vais me servir de ma vie pour vous expliquer le concept, et ce que j’en ai retiré. Commençons.
Les trois premiers jours, le guru répète en boucle de respirer par le nez et de sentir la respiration circuler. Il rappelle à 8, 14h30 et 18h qu’il faut surtout se concentrer sur la partie triangulaire du nez, juste cette partie-là du corps et écouter, sentir les sensations générées par sa respiration. Air froid, chaud, chatouillement, picotement, sècheresse ou humidité, lourdeur ou légèreté etc. Mais de ne pas réagir, d’observer objectivement cette respiration naturelle. Ne pas la forcer à part si on ne sent plus rien.
Le quatrième jour, il généralise ce processus sensitif à tout le corps, il répète donc (très) souvent : "partez du haut de la tête et scannez votre corps pour sentir chaque cellule, chaque sensation. Cela peut être chaud, froid, cela peut chatouiller, vibrer, fourmiller, cela peut aussi faire mal (évidemment), tirer, être lourd, être léger." Et devant cette sensation, il fallait être très attentif, mais rester complètement objectif. Alors, en étant sensible à nos douleurs, il fallait aussi rester sensible à des sensations qui ne procuraient aucun problème particulier.
Jusqu’à là, la méthode est très intéressante difficile à appliquer évidemment. Je l'ai abordé un peu différemment.
Je n’avais jamais médité aussi longtemps comme cela de ma vie mais j’ai toujours cherché à vouloir prendre ce temps. L’occasion était magnifique mais je ne pensais pas du tout prendre le chemin que j’ai emprunté. L’endroit était reculé de la ville, silencieux. Waw, ce silence-là en Inde est tellement rare que tu le savoures.
J’essayais de me concentrer sur ma respiration mais à chaque fois, je pensais à toutes ces choses dans un ordre aléatoire, donc j’ai laissé faire. Et comme la pensée va à toute vitesse, j’avais l’impression de faire un rêve intéressant, d’être au cinéma de mon passé, et puis je tournais la tête, regardais l’heure et ça ne faisait qu’un quart d’heure… Ou quand j’avais fini de penser à toutes ces choses, c’était « fait », alors mon esprit se concentrait à nouveau sur mon nez.
Les trois premiers jours, j’ai ressassé mon passé proche : les différents voyages, l’université, mes amours, la famille, mes changements, l’année Erasmus, mes choix. Tout était plutôt positif puisque j’ai très peu de place dans ma mémoire pour les mauvais souvenirs, que récemment j’ai recommencé à prendre ma vie en main, et rien de vraiment horrible ne s’est jamais passé dans ma vie.

Et chaque jour, j’avais une prise de conscience minimum. La prise de conscience, c’est cette chose qu'on a intellectualisé depuis longtemps, mais qu’au fond, que l'on n'a ni vécu, ni appliqué.
La prise de conscience, c’est faire l’expérience de la théorie.
Le passé est passé. Il est terminé. Tu as le droit de modifier tes souvenirs car ils t’appartiennent et qu’il n’y a personne pour te juger, sauf toi-même.
Alors le premier jour, j’ai compris la patience. Que me concentrer sur ma respiration me faisait penser automatiquement à des choses. Je n’avais pas à me creuser les méninges, trouver quelque chose à quoi penser et faire couler le temps plus vite. Le temps prend son temps et il te fait un pied de nez dans ce genre de situation. En partant du principe : je respire, je laisse les pensées venir à moi, le temps est passé plus naturellement. Assise sur mon coussin bleu, je n’avais pas l’impression de ne rien faire. Mon corps au repos, c’est devenu un marathon de pensées. Prêt, go !
J’ai pensé beaucoup à mes projets. La suite de mon voyage, la suite de mes études. Ma deuxième prise de conscience a été la suivante : le lycée et l’université m’ont offert une connaissance théorique qui est intéressante. J’ai aimé faire des maths, résoudre les problèmes de compta, lire des livres, etc. Mais je n’avais pas d’expériences. Alors j’ai commencé à voyager, je ne sais pas pourquoi. Mais je l’ai fait. De plus en plus. Contacts humains, être à l’aise dans un aéroport, savoir faire une valise optimisée, trouver sa route, trouver un logement tout ça. Evidemment, en solo. Je me suis dit aussi que quoi que je fasse, c’est une expérience, et elle m’apprend énormément. Alors en peu de temps (une ou deux heures de méditation), j’ai vu ma peur de l’avenir. Désormais, chacune de mes décisions, peu importe si elle est bonne ou mauvaise, je serai en mesure de lui donner de la valeur, d’apprendre d’elle et si vraiment c’est la mauvaise, de mettre en place un changement avec ce dont je dispose (argent, flexibilité, environnement). C’est tout. Ça demande du courage, de l’imagination, de la rigueur d’esprit pour rester du côté optimiste des choses.
J’ai libéré définitivement ma peur de l’avenir. Mais grâce à Tübingen, j’avais déjà commencé le boulot.
Du discours du guru, je n’écoute que ces paroles positives : you are bound to be successful. Vous êtes destiné à y arriver.
Le soir dans ma chambre, j’écoutais en boucle cette chanson en me brossant les dents.
As far can I go of the edge of what I know.
If I go back, it would never be the same
Movin’ on. New Morning.
Tous les soirs de 19h à 20h30, on nous passait la leçon quotidienne du Guru. Petit à petit il en venait au fait, expliquait plus en détail. Ça changeait des conseils répétitifs de la journée mais les rappels sont toujours utiles. Je voyais venir, dès le troisième jour le coup de l’amour et de l’empathie, mais j’attendais et j’ai beaucoup appris de lui les 4 premiers jours. Il donnait des exemples très pertinents, très drôles aussi inspirés tout droit des histoires racontées par Bouddha ou des paraboles poétiques de la bible.
Selon lui, l’homme passe sa vie à penser soit au passé, soit au futur. Il réagit soit en désirant les choses impossibles, soit en les désirant beaucoup trop (craving), soit en voulant les éviter absolument (aversion). Quand il a fait remarquer cela, j’ai commencé à me poser cette question très précise : pourquoi je n’arrive pas à savourer le moment présent ? Sur ma moto, j’étais constamment en train de dire « non je ne peux pas rester, je dois continuer ma route ». À l’université, je partais cinq minutes avant chaque fin de cours pour aller quelque part où je me sentais mieux. Quand on fait des choix et qu’on ne les apprécie finalement pas, on pique du nez, le temps devient long, surtout avant la pause déjeuner, l’impatience grandit, l’Écoute diminue.
Si la situation ne te plait pas, dis-toi que rien ne dure, tout change, rien n’est permanent.
De ta respiration qui change, de la lumière qui se renouvelle, de l’humain, tout change, tout se transforme, rien ne reste permanent.
Moi je piquais du nez pendant la méditation, sérieusement ! Une lutte acharnée contre le sommeil que j’aime tant d’habitude. Quand j’ai entendu « accept it » pour la centième fois, j’ai eu ma prise de conscience n°3. Je suis assise, et ça n’est ni confortable pour dormir, ni le moment. Il n’y a aucune position assise qui me fera bien dormir, ça je l’ai expérimenté trop de fois en avion ou en bus (du coup j’ai trouvé le filon du sleeper-bus, la position est géniale mais pas le sommeil). On dort tous les jours, plus ou moins selon les priorités. Je retrouverai ces sensations agréables de rêves et de chaleur. Quand j’ai arrêté d’essayer de me convaincre, d’intellectualiser et que j’ai compris vraiment profondément que c’était inutile de dormir maintenant, j’ai arrêté de piquer de nez, mon cœur s’est mis à battre et je l’ai remercié parce qu’il me maintenait éveillé. J’ai même eu du mal à m’endormir le soir. Mon cerveau s’était mis en route. Un marathon je vous dit.
Jour 4 : today is Vipassana day. Vipassana day a commencé quand même l’après-midi, donc ça faisait encore cinq heures à faire confiance à ma respiration pour trouver des trucs intéressants à penser. J’avais plein d’espoir en tête. 14h. Enfin ! Je vais connaître cette recette que les gens qui m’ont conseillé Vipassana ont appliqué, et m’ont vendu un peu la chose assez mystérieusement. You should do it, it is amazing. -But how amazing? -Do it. -OK.
Alors le type a commencé à diriger notre attention sur les différentes parties de notre corps. Du sommet de la tête, tu descends de trois centimètres et tu essaies de ressentir une sensation : picotement, chaud, froid, lourdeur etc. N’importe quelle sensation.
« Acceptez le fait que la sensation est là, observez-là de manière objective.
Et dites-vous que rien ne dure, tout change, rien n’est permanent. »
Il répétait ces deux phrases en boucle, au début de chaque heure : à 8, 9, 14h30, 16 et 18h. Donc ça fait beaucoup de fois en trois jours.
J’ai scanné mon corps tout entier. La plupart du temps, j’y arrivais avec un peu d’effort de concentration, sans torture. Mais attention car si tu cherches à tout prix à ressentir quelque chose, tu ne ressens rien. Craving et Aversion te suivent à la trace mon ami. Le contact des vêtements, un léger frottement, une chaleur, un frisson, un battement ou plusieurs, la fraicheur de l’air, les cheveux qui tombent sur les oreilles, la sensation des poils en dessous du vêtement, la sècheresse des narines, et comme d’habitude, le glaçon qui remplace mes pieds au contact de l’air frais. Le Guru disait bien « observez-les très objectivement, attentivement, avec sang-froid (=equanimous) » Je me suis arrêté plus distinctivement aux douleurs et j’ai posé la question à mon corps : man, pourquoi t’as mal ?
Evidemment, comme a fait remarquer le guru, quand on a senti la douleur, on se focalise dessus comme des fourmis sur un morceau de sucre et on ne lâche pas l’affaire, impossible de sentir quelque chose d’autre, ni de se convaincre que ça va mieux. La douleur est là et les profs devant nous conseillaient d’observer leur évolution. Il répétait en boucle « accept the way it is, observe each sensation, objectively, objectively » sans pour autant dire le mot “douleur”. Je crois depuis toujours que les douleurs internes sont presque uniquement des nœuds de l’esprit. Et oui, avec la pelleteuse du temps, il est possible de guérir d’un cancer du cerveau ou d’un avc uniquement avec son esprit. (C’est du boulot. Des heures de méditation ! Par contre les poumons ou des seins, là je ne promets rien.). Alors j’ai commencé mon job d’analys(t)e. Je n’ai pas observé la douleur, je lui ai posé des questions. Les réponses sont venues d’elle-même avec la respiration.
Et puis je me suis arrêtée sur mon ventre. Dans les ventres de tout le monde, il y a des danseurs de lambada. Parfois c’est agréable : une bonne digestion, les papillons du bonheur et de l’amour, la fin ou le début des règles etc. Dans d’autres moments, on ne se rend pas vraiment compte que notre ventre nous fait souffrir. C’est un élément du corps qui est en intime relation avec le mental.
Malheureusement aussi, cette maladie de merde qu’est l’endométriose existe. Et je ne pense pas que l’esprit y soit pour quelque chose. Elle fait partie de toi, et c’est comme ça, et c’est quelque chose qui me fait beaucoup de peine pour celles qui l’on.
Dans mon ventre, il y avait beaucoup de pourquoi. Aussi, dans mon enfance, j'avais beaucoup de maux de ventre que personne ne pouvait vraiment expliquer et ce détail m'est revenu en tête. Je me suis quand même demandé pourquoi j'avais mal, et cela m'a ramené dans le passé, jusqu'à la première année à l'école primaire. Je n’avais aucune image particulière en tête en général, et je considérais la primaire comme ‘ma vie d’avant’. Vie d’avant ? C’était pourtant moi, Aude, la même personne.
Alors j’ai un peu forcé ma mémoire, j’ai débloqué quelques cadenas rouillés et le cinquième jour, toute la matinée, j’ai assisté au cinéma de mon enfance, depuis la maternelle jusqu’au début du collège. C’était incroyable.
La salle de jeu des lapins, les tapis bleus et violets de la salle de classe juste en face. Le bois qui crac, ma trousse qui déborde de crayons qui ont vécu de quelques jours à deux générations déjà, madame B et son sourire, madame L et sa minceur, les cours de flûte, de pâte à modelé, de coloriage magique, de maths et de français. L’écriture d’institutrice belle et régulière de madame B, L et G. Celle de pâte de mouche de madame M. Mes fous rire incontrôlés pendant la sieste commune, les séances vidéo, de danse, assis sur un banc à attendre jenesaisquoi avec les autres, les récréations et les prises de risques sur ces semi-pneu enfoncés dans le sable, surtout pendant les jours de pluie, les tilleuls, le préau et les pogs, la cantine, l’ancienne et puis la nouvelle. Passer dans le cours supérieur de flûte à bec au bout de trois séances, les spectacles dans la nouvelle salle, le mur amovible de la cantine, cette odeur de nourriture commune qui flotte dans l’air, les cours de techno et l’informatique avec Papa (ouiiiii), madame L qui balance le cahier à un élève parce qu’elle a fait trop de fautes, l’expérience d’une heure de colle parce que je n’ai pas fait signé mon 18 (et au final c’est très important de faire signer les bonnes notes autant que les pires), l’exploration des locaux abandonnés, se servir de quelques cerceaux pour jouer dans le jardin, la bibliothèque et l’exploitation intensive de la collection ‘le club des cinq’, les débuts de trajet en vélo.
Il y a tellement d’autres détails, tellement.
Elisabeth qui fait shoubidoubidou sur devant l’ordinateur en cours de bio achève la séance et je dois sortir pour faire sortir mon fou-rire asphyxiant. Ces remémorations me sont parues si drôles, dans l’inconscience des règles, la vraie nature de la vie. Comme j’osais tout sans faire attention au regard des autres. Je n’avais aucune notion du temps et j’avais oublié comment lire l’heure avant de le réapprendre en cours d’anglais, je fabriquais mes boucles d’oreilles, et madame L, qui paraissait si stricte me faisait souvent des compliments. L’amour des profs de cette école, je m’en suis rendue compte.
J’ai eu tellement de chance, j’avais cette capacité à sentir leur amour, à faire abstraction à cette rudesse d’esprit de madame L, des problèmes personnels de madame G qui se voyaient sur sa figure. Toutes les institutrices nous considéraient, nous écoutaient, étaient créatives pour nous apprendre des choses. Comme madame S. et les histoires en image en anglais : ‘go to the bus stop, look at your feet… you’ve got your sleepers on… Oh nooooo !’.
J’étais sur un nuage d’insouciance et de bonheur, les parents ne m'ont pas acheté le tamagochi donc j’utilisais cinq minutes celui des autres et ça semblait me suffire, je ne renouvelais pas mon stock entier de fournitures scolaires chaque année, nous n’avions pas la télé. Je possédais un bonheur naturel qui ne s’explique pas, et qui ne provient pas des satisfactions matérielles.
Je suis sortie de ma léthargie comme si je sortais un film ‘feel good’ qui me donnait une énergie incroyable. J’ai tourné la tête à gauche, il restait une heure et demie. J’ai tourné la tête à droite et j’ai vu une des filles derrière qui s’était littéralement allongée, j’ai regardé la fille à droite, et on a commencé à avoir un fou rire, alors on est sorti. J’ai pleuré de rire.
J’ai compris pourquoi on pouvait acheter des figurines de ‘laughing buddha’ car Buddha a surement dit à un moment : c’est quand même mieux de pleurer de rire que de pleurer. Mais pleurer en général, c’est un moyen merveilleux de faire sortir tes tensions physiques, tes peines.
Sacré Buddha.
L’assistante de la prof a commencé à me surveiller de plus près à partir de ce fou-rire. J’ai brisé la règle ‘ne pas parler’ et j’ai juste échangé quelques mots avec l’espagnole avant de rire à nouveau. "C’est moi ou la bouffe du soir, c’est de pire en pire ?" Rire.
"En fait, personne ne médite et tout le monde s’endort." Re-rire.
Qu’est-ce que ça fait du bien. Et ce soleil qui est tous les jours au rendez-vous.
Dans ma chambre, je me fais craquer un dos endolori. Les jambes contre le mur, j’écoute avec délice les mots de Melody Gardot en m’endormant.
I don't remember when I was young
I don't recall the day when I first saw the sun
But what I am certain
What is enough is just to remember that once, once I was loved
Après ce film qui m’a fait me sentir bien, un autre pourquoi est arrivé.
Pourquoi je ne suis plus l’enfant que j’étais à l’époque, cette fille qui sourit, cette fille qui se fout pas mal du règlement, qui arrive pile à l’heure, qui savoure le moment présent parce que le temps n’existe pas, cette fille qui joue dans le jardin et qui sait quand c’est 18h car la pie est au rendez-vous, qui rigole et sourit tout le temps. Où est cette fille ?

Pendant le reste de la journée avant le repas de 17, j’ai trouvé que la pression de la question adulte ‘qu’est-ce que tu veux faire plus tard’ posée en 4e a éteint quelque chose, a forcé la décision, a perturbé mes principes de bonheur… Alors j’ai choisi un lycée. J’ai choisi une université pour des raisons qui n’étaient pas vraiment miennes. Pleins de détails plus tard, je découvre que mon premier vrai voyage a commencé à rétablir en moi cet équilibre. J’ai toujours voulu rester une enfant, mais pas dans le sens ‘faire des conneries’. Pour moi, être une enfant, c’est garder l’insouciance, s’émerveiller devant la nature mais la comprendre en même temps et donc trouver ça normal de faire sa lessive dans un ruisseau, discuter avec des adultes, le cœur battant parce que j’ai peur qu’ils ne me comprennent pas, je me maitrise plus les mots…
Peut-être à l’avenir, posez la question suivante à vos cadets : qu’est-ce qui te plait ? Qu'est-ce que tu veux t'éclater à faire? et faites des recherches avec cette personne, qui ne se pose pas du tout cette question, et qui ne possède aucune expérience de la vie pour savoir quelle profession peut décider son bonheur. Dites-lui qu’elle a le droit de rater, de recommencer, que tout est possible. Mes parents me l’ont dit. Merci pour ça.
Un peu de théorie.
Pendant les cours du soir, le guru nous explique la chose suivante (rapide résumé, si vous voulez plus de détails, on s’appelle parce que je voudrais vraiment éviter la tartine, mais y a trop d’info^^)
Le concept de Vipassana consiste en trois points : La morale, la pureté de l’esprit, et la Connaissance (the great awareness). Autrement dit (parce que j’aurai un problème continu avec la langue académique), quand tu respectes les règles de bases de la société -ne pas tuer, voler, violer, mentir tout ça-, que tu es en harmonie avec ton passé, tes choix, et tes projets, et que tu es conscient-e de tes émotions, t’es heureux et tu peux profiter du moment présent.
Mais j’ai quelque chose à rajouter et c’est cette façon de réfléchir qui a transformé mes secondes à partir du 5ième jour, à 17h.
Cette connaissance est très particulière. Il faut être conscient de chaque seconde, chaque minute, chaque pensée. Ne rien attendre de personne. Et si cette pensée n’est pas positive, ne procure pas une sensation de bien, j’utilise ma créativité et mon imagination, la littérature, les films, mes expériences passées, les idées des autres pour transformer cette pensée pas bonne : je la comprends, je l’accepte, je trouve une raison personnelle qui la rend positive. Pas besoin d’en parler, c’est un processus uniquement pour vous. Aussi, le moment n’est pas sensé vous faire du mal, alors s’il ne fait pas non plus du bien, c’est seulement un moment obligé qui va passer (prendre l’avion ou le train sur des longues distances par exemple, c’est tellement long.. mais c’est impermanent).
J’ai commencé à appliquer ce principe.
Un seul exemple :
Je regardais les filles qui se morfondaient à manger et à ne pas faire d’exercice physique. Ça m’a fait de la peine parce que je suis passée par là (depuis l’université jusqu’à maintenant, du coup, je faisais dix minutes d’exercice tous les jours dans ma chambre). Elles buvaient des jus de citron, se tâtaient le ventre après le repas de midi. Je sentais que ces filles s’en voulaient un peu de leur physique sur le moment présent.
C’est une pensée qui ne fait pas du bien, on est d’accord. Quelle solution proposer ?
Faire du sport illégalement dans sa chambre ? Manger un peu moins ? Tout est possible. Mais rien que cette pensée pendant le moment du repas, avant le repas parce qu’elles avaient faim, et après parce qu’elles avaient peut-être repris, ça leur pourrissait une partie de leur cerveau. Je dis ça, mais il se peut que ce soit faux. Mon petit doigt me dit que les indiennes n’ont pas ce complexe du diktat physique qu’on peut avoir en Europe. Il y a trop de filles en France déjà qui se rendent malade ou qui regardent à la loupe la partie de leur corps qui ne leur plait pas. Je pense que cet exemple s’applique à au moins une personne du groupe, car j’ai vraiment vu les assiettes changer au fil du temps, les jus de citrons sans sucre se succéder, de gingembre chaud qu’elles mettaient dans leur bouteille.
Et dites-vous que rien ne dure, tout change, rien n’est permanent.
Donc si tu fais du sport, ton corps change, et ça pourrait en rendre plus d’une rassurée. Même 10min avant la douche au broc ! (Douche merveilleusement chaude)
Au bout du jour 6, je me suis dit "ça y est, j’ai compris, je suis heureuse maintenant. Mon passé est clair, je suis l’enfant que j’étais avant avec mes expériences, je fais confiance à mes choix, mon intuition."
Je savourais l’instant présent. Vraiment.
La chaleur douce du soleil, le chant des oiseaux, une lessive satisfaisante (enfin j’avais l’occasion de vraiment laver mes habits à l’eau brûlante), j’étais en extase totale à l’écoute de certains morceaux de musique, j’arrivais à faire plus de pompes, j’acceptais tout. WAW. J’étais tellement heureuse que je voulais le partager. Mais j’ai vu des visages tristes, des yeux rivés sur le sol, des oreilles sourdes incapables d’écouter puisque les filles écoutaient leurs douleurs, leurs nœuds, leurs visages vieillissaient chaque jour, une fille a complètement pété un plomb à cause d’un type de la salle commune qui rotait bruyamment et régulièrement, la fille à ma droite a arrêté de rire et s’est concentrée, posait des questions à la prof quand elle nous faisait venir quelques minutes par deux à 15h30. Les filles que j’observais étaient encore en train de délier leurs nœuds. Ça m’avait l’air difficile. C’est normal, elles avaient toute la trentaine. De 10 ans mes aînées, c’est énormément d’expériences en plus à ressasser que moi… Je voulais les encourager mais pas possible…
Je ne sais pas d’où viennent mes outils. Enfin si, je sais. C’est une énorme carte mentale dans mon esprit avec pleins de détails qui stimulent des souvenirs, délient les nœuds ou tiennent comme acquises les pensées inutiles.
Aussi j’ai beaucoup de chance et je remercie ceux qui m’ont fait grandir. Mon enfance a été remplie d’amour, d’amour pur et sincère. Après cette retraite, ma reconnaissance pour mes parents a grandi, pour les bons professeurs de primaire, de collège et de lycée sur lesquels je suis tombée, pour toutes les personnes incroyables que j’ai rencontrées en voyage, pour cette liberté que j’ai eu de prendre les décisions et pour la confiance de mes responsables.

Quelques-uns de mes outils (tout est bien réel !)
-Un jour, à Londres, en 2012, Paul m’a dit : « il n’y a aucune raison d’être déprimé. Parce que tu as en toi une caisse à outils que tu peux utiliser en cas de tristesse. »
-Cerise qui a fait son premier voyage tôt aussi m’a révélé « Je pars, et je m’en fiche si mes parents ne sont pas d’accord. Je pars, point. »
-Léo a écrit : « Si ça ne va pas, change quelque chose » et m’a fait écouter Scylla.
-Uday m’a dit « Il n’y a pas d’énergie positive, ni négative. Il y a seulement des énergies puissantes et moins puissantes. Et ça ne sert à rien de donner de l’attention à des énergies qui te tirent vers le bas ».
-Lucie m’a fait découvrir ces chanteurs à la plume poétique incroyable : Hoccus Pocus, Ben Mazué, Grand Corps Malade bien sûr.
-Elisabeth m’a donné l’envie d’écrire et comment la remercier ?
-Papa m’a sponsorisé toute ma vie, surtout quand il a fallu acheter un cor d’harmonie qui m’a beaucoup, beaucoup aidée. J’ai hâte de rejouer en rentrant.
- un Tedx : (voir l'hyperlien)
-Et même le type qui a gagné The Voice la seule année où j’ai regardé est plein de bonnes intentions et m’a été utile le dernier jour. J’avais peur de perdre ce feu et j’ai écouté sa chanson.
Combien de rires, combien de larmes,
Combien d’années de malheur
Faut-il pour que mon cœur d’enflamme ?
Rester dans le noir des heures pour enfin ne plus avoir peur.
(Lilian Renaud, j’assume)
Donc je voulais partir et j’en ai parlé à la prof pendant les heures de consultation. Et devant son « pourquoi ? », je me suis demandé si je devais mentir. Mais impossible de mentir… J’ai eu un blanc catastrophique. J’ai sorti d’une voix hésitante ‘j’ai compris la théorie et la méthode’. Elle a ricané et ça m’a fait mal. Mais je me suis dit qu’elle en était encore au stade de la lutte contre le sommeil, mais c’est méchant de penser ça. Tout le monde passe par des chemins différents. J’étais incapable de lui donner un seul exemple de pourquoi j’avais envie de partir. Le jour d’après apparemment, on allait aller dans des cellules personnelles dans un autre bâtiment, la Pagode. Une immense prison, mais une cellule personnelle. J’étais un peu curieuse. Et puis si on fait les 10 jours, on obtient le statut de « old student » et on a open gate dans les centres de Vipassanas partout dans le monde (une raison qui est loin de me retenir, les grades et autres diplômes, je m’en fiche).
Que faire, que faire. Je suis restée le jour 7.
Ce jour-là, comme j’avais réglé tous mes nœuds principaux et que je n’allais pas en chercher d’autres (tout est parti du ventre je vous rappelle), j’ai testé d’autres choses physiques, mentales, visuelles. Je ne m’étends pas sur le sujet mais ça me rendait vraiment bouillonnante d’énergie et d’euphorie H24.
Et puis j’ai eu la certitude, en écoutant le guru blablater son cours du soir et faire son chanting insupportable que pour moi, Vipassana, c’était terminé. J’ai écrit le plus possible. A chaque pause de méditation, je courais dans ma chambre, m’enfermais pour détailler le fil de mes pensées. Je n’ai pas dormi pendant 2 nuits tellement mon cerveau était rempli de nouvelles notions, de prises de consciences. Mon cœur battait de bonheur à chaque seconde, je sentais un feu de joie, d’amour crépiter en moi et j’ai désormais l’envie de le partager avec n’importe qui apte à le recevoir. C’est mon but dans la vie. Voilà voilà.
J’ai (eu) beaucoup de chance mais elle ne s’est pas construite toute seule. Je l’ai construite avec ce qu’on m’a donné, avec les livres, la musique, mes aînés et surtout, la solitude. Je me suis battue pour rester positive, pour trouver, chercher des raisons de faire ce que je fais, d’avoir fait ce que j’ai fait. J’ai utilisé des outils créatifs pour construire ma logique propre, sans être complètement découragée par l’incompréhension des autres. « Tu penses trop » désormais, c’est un atout. Et je vous envoie tous méditer pour vous prouver que le fait de trop penser dans ma vie m’a fait gagner 2 jours, 1 an, peut-être une vie.
Aujourd’hui, je suis la fille d’avant, celle qui sourit et qui se fiche de la réponse des autres, celle qui donne sans retour, celle qui écoute son corps, les lois de la nature, les livres. Celle qui ne fera plus attention aux moqueries. L’ignorance fait partie de ma caisse à outils.
La dernière étape pour moi, c’était de me calmer, de contrôler ce feu, ce battement trop rapide. Si ça continue, je vais crever dans un an. J’ai profité de l’heure entre 8 et 9h le 8e jour pour essayer, trouver une astuce. Par une respiration non nasale, appelée en yoga ‘ujai breathe’, profonde, c’était déjà mieux. J’ai découvert qu’il était possible d’utiliser ce feu d’amour, de le focaliser dans les paumes et avec cette même notion de sensibilité, de sensations, j’ai posé mes mains sur mon genou droit, et j’ai senti des tas de choses à l’intérieur. J’ai revu le trek, une chute à vélo, des visages de la famille. J’ai massé doucement…
J’ai compris le magnétisme.
Alors je me suis demandée : si je reste, est-ce que les 20 autres heures de méditation me feraient-elles comprendre encore d’autres choses ? Buddha méditait h24 et a fini par atteindre de grandes révélations. Lesquelles ? Mystère !
Mais le regard de l’assistante, de plus en plus inquisiteur devant mes sourires, devant mon jogging illégal du matin, devant mon retard (à cause de l’écriture) à la cantine et aux heures de méditation, devant mon empathie pour les filles autour de moi, mes fou-rires, commençait à me rendre moins concentrée. Je déteste que quelqu’un me dévisage aussi longtemps. J’avais l’impression de la perturber aussi. C’est le genre de fille, complice avec les règles mises en place qui n’hésitera pas à faire des conneries avec toi, autant qu’à te dénoncer dans ton dos. J’ai gardé un sang-froid incroyable quand elle me disait «’fais pas ci fais pas ça’ alors que je le savais très bien. Elle m’a prise pour une enfant, elle a eu raison. Quand elle a su que je partais, le 8e jour à midi, j’ai vu sur son visage un sourire prodigieux. Tant mieux si je fais sourire les gens parce que je pars. C’était tragique, mais c’est comme ça. D’habitude, elle avait une moue qui accentuait son double menton, une inquiétude et un respect exemplaire des règles du centre. Incroyable.
En plus de cela, je ne pouvais plus supporter les incantations (appelée Chanting) du guru qui affirme que la méthode est internationale, qu’elle est merveilleuse. Le type se fait quand même appeler guru, opère à des rituels, parle comme un prophète. Pas beaucoup de cohérence encore dans ma logique. Si vous avez lu les précédents articles sur le Népal, j’ai développé une grande force dans ma foi et une méfiance en face des Gurus. Ses mots se sont transformés en lavage de cerveau… Les gens se morfondent dans leur tristesse, dans leur passé difficile qui n’est pas encouragé par les mots négatifs de Goenka. Vipassana, c’est une souffrance personnelle. Si tu n’es pas bercé par les paroles de la chanson de Baz Luhrman : https://www.youtube.com/watch?v=KdQbb3FXSEI, tu t’enfonces en enfer. Vipassana, c’est un peu dangereux.
J’avais l’impression que Goenka s’était approprié la recette du bonheur et en avait fait un business pour finir ses vieux jours. Le don, surtout à Pushkar très visité par les européens, ça marche tellement bien ! Vu les logements et les facilités dont on disposait, j’étais plutôt impressionné par la réussite du truc. Et quand il te sort tous les soirs que sa méthode Dhamma est une méthode magnifique, c’est vrai que tu ne peux que la recommander à tes proches. Et ça génère plus de fonds. Champion le Goenka. Qui s’en est rendu compte ? Persooooonne. Même moi, jusqu’à réaliser cela, à déterrer et à résoudre mes problèmes un à un, j’étais prête à refaire l’expérience avec tous les membres de ma famille. Heureusement, ils n’ont pas que ça à faire et ils gardent les pieds sur terre. Heureusement qu’ils sont là.
Quelques extraits qui ont guidé nombreux de mes pas pendant l’hiver difficile à Tübingen et puis à la fin du 6e jour.
-Don't worry about the future. The real troubles in your life are apt to be things that never crossed your worried mind.
-Do one thing every day that scares you.
-Sing.
-Don't feel guilty if you don't know what you want to do with your life. The most interesting people I know didn't know at 22 what they wanted to do with their lives. Some of the most interesting 40-year-olds I know still don't.
-Enjoy your body. It's the greatest instrument you'll ever own.
-Get to know your parents. You never know when they'll be gone for good.
-Don't expect anyone else to support you.
-Be careful whose advice you buy, but be patient with those who supply it. Advice is a form of nostalgia. Dispensing it is a way of fishing the past from the disposal, wiping it off, painting over the ugly parts and recycling it for more than it's worth.
(traduit)
-Ne te soucies pas de l’avenir. Les seules inquiétudes de la vie sont de savoir si tu es capable de faire ce qui ne t’as jamais traversé l’esprit.
-Fais une chose par jour qui t’effraie.
-Chante
-Ne te rends pas malade si tu ne sais pas quoi faire plus tard. Les personnes passionnantes que je connais ne savaient pas, à 22 ans, ce qu’elles voulaient faire. D’autres de 40 ne le savent toujours pas.
-Profite de ton corps. C’est le plus bel outil que tu possèdes.
-Apprends à connaître tes parents. Tu ne sais pas quand ils disparaîtrons pour toujours.
-N’attends rien de personne.
-Fais attention à ceux qui te donnent des conseils, et sois patient avec ceux qui prennent le temps de t’expliquer. Les conseils ont parfois un fond de nostalgie et ceux qui les donnent les déterrent de quelque part de leur passé, les dépoussièrent, les réarrangent à leur sauce en enlevant les parties moches et les vendent à un prix erroné.
Le moment où je l’ai annoncé à la prof, je n’avais plus aucun doute. J’ai dit ouvertement ce que je pensais. ‘Je suis heureuse, j’ai une boule de feu qui palpite. Mes affaires sont prêtes, je pars maintenant’ Je m’étais préparé à dire comme Scylla, pour éviter qu’elle se moque encore de moi.
« Je ne peux pas t’expliquer pourquoi mais je le sais voilà ».
Je suis partie en soldat héros. Je m’en fichais de ne pas avoir passé le grade de ‘old student’. Si tu finis le vipassana, cela t’ouvre les portes aux autres Vipassanas du monde entier en prioritaire. Aucun problème, j’irai chez les moines, de n’importe quelle religion.
Quand je suis partie, j’ai laissé un petit mot (encore une règle non respectée rho lala) sous le coussin de la fille qui avait fait sortir sa rage dans un chagrin immense. Un petit poème et un conte.
Les problèmes ne sont pas vraiment des problèmes
Ce sont des énigmes.
Et une fois que t’as cru dur comme fer que tu allais trouver la clef,
Qu’après un dur labeur tu l’as enfin déterrée
Tu peux ouvrir le cadenas, soulever le couvercle du coffre.
À l’intérieur, il y a l’or de la vie.
Ce que personne ne sait non plus, c’est que le type qui rotait bruyamment s’est mystérieusement retenu. Parce qu’à un moment de trop, je suis allée dans la cantine, j’ai pris un petit écriteau sur lequel il était marqué « Noble Silence ». D’habitude sur ce genre d’écriteau, c’est marqué « Sweet porridge », « Tea », « Hot water » ou encore « Hot Ginger ». Mais j’avais remarqué l’autre, près de la fenêtre. J’ai foncé dans le hall de méditation, franchir la ligne interdite qui séparait les filles et garçons et j’ai posé violemment l’écriteau sur le siège du roteur. Ça m’a fait du bien de déposer une mini bombe, d’agir quand personne ne disait rien. Je ne sais pas ce qui s’est passé par la suite, sûrement rien. C’est vrai quoi, on nous engueule quand on se prend un fou rire, mais pour un rot monstrueux, personne ne dit rien. Elle est où la logique du cours ?
J’ai fini par comprendre une autre forme de respect. Respecter le silence des autres alors que moi non plus, je n’avais pas envie de parler quand j’étais en train de résoudre mes énigmes. J’ai recréé mon propre code. J’ai vraiment respecté une ou deux règles (le silence, le portable confisqué qui ne m’a jamais manqué et quelques autres) mais j’ai toujours fait attention à garder mes secrets. Ce qui se passe dans ma chambre reste dans ma chambre. J’ai confié à une ou deux personnes que je faisais du sport ou j’écoutais de la musique, mais ça n’avait aucun sens. Incompréhension ou peur de déroger aux règles, elles avaient d’autres choses à faire. Bien évidemment. Je les ai laissé faire.
« Je ne veux pas entendre ce que les autres disent
Je reste dans ma bulle et je fais le vide exprès ».
Scylla, ce génie.

J’aurais pu partir le 5e jour, mais je suis restée car j’avais du papier, de la musique, un tapis pour faire du sport et assez de temps entre les heures de méditation ou de repas pour faire ce qui me plaisait de faire. C’était le souci avec ce règlement trop strict, trouver du temps. Je n’aime pas les règles du système, seules comptent celle de la nature. Tu es en retard ? Don’t panic, ça ne va pas te faire mourir et une heure de colle, ça n’est pas si mal. Tu n’as pas fait tes devoirs ? Qu’as-tu fait à la place ? Ça t’a rendu heureux ? Eh ben tant mieux. Je ne vais pas m’étendre sur le sujet de la mort et de la maladie car c’est plus complexe et sensible, et je préfère garder un tact oral.
Gardez en tête que les hommes et les êtres vivants sont des êtres éphémères.
Des œuvres d’arts de la Terre.
Des âmes en quête d’amour, qui errent.
J’ai eu de la chance.
Mais j’ai toujours gardé cette foi en moi. Je n’ai pas d’apparition, mais j’avais cette présence en moi qui me disait « ça c’est une loi naturelle », « ça, c’est triste », « ça, c’est juste qu’il faut le faire et c’est tout, ça fait partie du système français ». Être chrétienne m’a aidé à démarrer avec quelque chose, je m’endormais sur l’épaule de papa pendant l’homélie, mais quand je ressortais, j’avais des nouvelles idées de roman, j’étais plus calme, j’avais faim et envie de bouger.
J’ai gardé depuis toujours cette écoute de la nature et du corps.
Alors faire Vipassana, je reconnais que ça a été plus facile pour moi, parce que naturellement depuis toujours (aussi loin que je me rappelle, depuis l’âge de 4 ans), j’ai gardé le positif et j’ai cherché des raisons pour le garder, j’ai eu une enfance merveilleuse.
J’ai compris ce que je voulais. J’ai même anticipé ça dans mon roman, d’où l’importance personnelle du truc. Je mange quand j’en ai envie, je savoure la nourriture comme jamais, je sais quand m’arrêter. Je ne dors plus autant, car je sais ce que j’ai envie de faire à l’instant, quand écrire, quand sortir. Je ne le sais pas, je le sens c’est tout. Je suis dans le moment.
Les clefs du bonheur sont très nombreuses et il n’y a pas UNE recette. Il y a VOTRE recette, et elle dépend un tas illimité d’options. Il faut simplement faire confiance à sa façon de penser, ses choix, son instinct.
« C’est facile à dire ».
Et bien, maintenant que tu sais la théorie intellectuelle, que tu as compris, entraîne ton esprit à la rigueur, la rigueur du bonheur, du chemin de l’amour, du Chemin. C’est l’expérience, c’est des ratés, de l’entraînement, des embûches partout. Mais là où je suis désormais, j’ai envie que tout le monde y soit. Alors ceux qui m’ont dit un jour que je n’étais pas au top de mes capacités, maintenant, je le suis. Full Power, comme ils disent à Pushkar et dans le sud de l’Inde.
Au boulot !
Merci de m’avoir lue jusqu’au bout. J’aimerai bien connaître ton avis sur ce texte. Si le cœur t’en dit, je t’invite à me contacter.
Big Up, Lucie, et bon anniversaire !
Attends-moi le monde, j’arrive j’arrive…
(Ben Mazué)
Agrandis-moi, force la ferveur
Réponds-moi, inspire mes peurs
Porte ma croix juste quelques heures
Donne-moi la foi, inspire mes peurs
Termine de signer entre les hommes l’idylle qui va me décider à rester anti-cynique
Résiste à mes idées qu’on scie la branche sur laquelle on est assis sacré, donne-moi des signes
Attends-moi le monde j’arrive j’arrive
Je réveillais l’espoir j’arrive j’arrive
Je cherchais en qui croire j’arrive
Excuse mes fautes dis qu’c’était pas si grave, que c’est des ecchymoses, des bobos dis-moi que tout est possible à ceux qui bravent l’importance c’est pas de toucher la cible, mais c’est de la viser
J’apprends qu’avec ton souffle, seulement assez fou pour compter surtout sur toi surtout sur toi
J’apprends qu’avec ton souffle, seulement assez fou pour compter surtout sur toi surtout sur toi
Change, invente, arrache, créer, charge, cogne, balafre les, dès qu’ils te disent que c’est foutu, que c’est foutu, tu les fais taire
Attends-moi le monde j’arrive j’arrive
Je réveillais l’espoir j’arrive j’arrive
Je cherchais en qui croire j’arrive
EXTRAITS DU ROMAN (les narrateurs sont masculins)
Chap6
J’ai senti pâques dans mon jardin, mes anciennes grasses matinées dans les combles de la maison, je me suis revu lire des livres à la pause midi, nos Noëls passés dans le salon. J’ai respiré la douceur sucrée du potager de maman, les fleurs du cerisier qui explosaient et celles colorées à côté de la rhubarbe. J’ai senti cette protection qu’offrait cette grande propriété́, les lavandes, les rosiers, l’herbe verte fraîchement tondue. J’ai senti le printemps, ce renouveau que j’aime tant chaque année et qui marque officiellement ma sortie du tunnel hivernal.
[…]
De plus en plus diversifiés pour des raisons à chaque fois différentes, les voyages m’ont convaincu de sourire à une situation qui porte son lot de bonheur. Une remorque pleine d’enfants poussée par un papa en sueur content comme tout, un étudiant qui accompagne une mamie en fauteuil, un enfant qui tient la main de sa maman, un chat qui rate son atterrissage du premier étage... Je m’en fiche d’avoir l’air con, mais au moins, j’assume que je suis heureux.
[…]
Alors je ne me retiens plus, je choisis de ressentir ce que j’ai envie de ressentir et de partager mon bonheur, même s’il n’est pas reçu par tout le monde. C’est ok. Beaucoup de sages me l’ont dit alors que j’avais l’impression d’être suffisamment ouvert. « Dubh arrête de te retenir. Donne. Vas-y, tente tes trucs et accepte la réaction. Fais confiance à la raison et embrasse les moments d'embarras. » La suite, conséquence directe de l’influence de ce propos, m’avait fasciné.
[…]
J’ai continué mon job d’observateur confirmé, boulot à plein temps non payé. Moi aussi je souriais bêtement en coin. Mais pour autre chose. Tous ces petits détails qui retenaient objectivement mon attention et que je retiendrai peut-être encore toute ma vie. Tous ces petits détails que je prenais plaisir à écrire pour les relire plus tard, images presque aussi efficaces que des photos-souvenirs. Ces talons rouges et gonflés qui débordaient d’une sandale ouverte, l’élastique d’une robe verte tendu et prêt à lâcher, des cous remplis de bijoux qui laissent de marques violettes sur la peau, des boucles d’oreilles asymétriques d’argent et d’or, les maquillages si différents et en même temps si peu originaux, les mains et bras flottant dans les airs au rythme non régulier et orientaux de la musique traditionnelle, les invités et leur attention partagée entre les conversations avec leurs proches à la table, se parlant directement dans les oreilles, et le show des danseurs sur la piste, les enfants qui jouent dans une autre dimension et qui courent se réfugier dans les jupes de leur maman, les Hijab ou les coiffures des femmes, raffinées et merveilleusement travaillées, un mouchoir qui dépasse légèrement d’un soutien-gorge rouge en perles brodées et le fauteuil des époux, au fond.
[…]
Chap 8
Je ne sais pas pourquoi elle en est venue à dire, parfois on s’engage dans l’inconnu et on fait confiance parce qu’on sait que ça va donner un truc beau et bien. Je l’ai regardée. Mille interprétations et analyses ont éclos dans ma tête. C’était comme si Nour venait de m’apprendre quelque chose de grandiose, que tout le monde sait mais que personne n’applique vraiment, et voilà qu’elle, elle te fout ça dans la tête, ça reste, et ça te frappe, tu retiendras le moment où elle le l’a dit et l’impact que ça a eu. Peut-être qu’elle disait ça par rapport à sa propre situation, ou par rapport à la mienne, ou à titre purement objectif. À titre familial, religieux, poétique, pour dire quelque chose. J’en sais rien. Le moment qu’elle avait choisi pour le dire était aussi incroyable que le ton et l’expression de sa voix. C’était fou.
[…]
Il m’avait dit, eh Souliman, moi quand je ne voyage pas, je suis comme tout le monde, je m’éteins un peu, je dis au revoir à la lumière quotidienne qui amine chacune de mes folles journées et c’est clair que ça me manque. Les cycles de mon humeur sont beaucoup plus marqués. J’ai trop soif de cette lumière c’est pour ça que je ne peux plus m’installer quelque part pour toujours. Bouger, c’est comme réveiller le mécano qui cherche comment réparer ton ampoule si elle a eu le malheur de griller. Et l’ampoule, elle représente l’envie que tu as de vivre. Découvrir, ouvrir les yeux, respirer le printemps dans le Sud, écouter les oiseaux à l’Ouest, finir une soirée interminable et folle avec les gens de l’Est et titiller les étudiants de l’Ouest parce que leur coutume est très marquée et très drôle.
[…]
Chap 10
Avant je me trouvais ultra stupide. Pas dans le sens où l’on voit les cons ne pas respecter les règles de base du bon sens de la vie commune, non. Je me trouvais stupide de ne pas arriver à penser à la manière de quelqu’un de pragmatique, de scolaire qui avait des bonnes notes et qui faisait la fierté de son prof ou de ses parents. Un jour j’en avais eu marre des règles et je suis devenu cancre. Au calme. Pourtant on me répétait que j’avais de l’intelligence. Je n’aurais jamais pu entrer dans une université prestige, une formation difficile, mon cerveau semblait ne pas vouloir imprimer n’importe quelle connaissance théorique.
[…]
Mais surtout : ai-je assez de pouvoir et d’influence, moi, la personne la plus misérable de la planète pour qu’elle me suive si je vais la chercher ? Je me suis longtemps posé toutes ces questions, et j’ai compris quelque chose. Tant que je restais incertain sur mes capacités, que je ne faisais pas totalement confiance à mon intuition, mes convictions profondes, je ne pouvais pas totalement convaincre la personne en face de moi. Cette notion m’a été utile pour réussir plus souvent des travaux en public. Quand on croit, on perd moins facilement pied devant les autres. J’avais vraiment retourné le problème dans tous les sens pour en arriver à un concentré de réponses.
[…]

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